Casamance :
les populations exigent des candidats le retour de la paix
Les
principales attentes des populations de Ziguinchor pour l’élection présidentielle du 26 février
tournent autour du règlement du conflit
en Casamance.
Par Younousse DIEDHIOU
Journaliste, Ziguinchor
La
plateforme des femmes pour la paix en Casamance, qui regroupe les femmes du
bois sacré et les organisations de femmes des régions de Ziguinchor, Sédhiou et
Kolda, a initié un mémorandum à soumettre aux différents candidats à la présidentielle.
« Ce mémorandum vous interpelle, vous appelle à l’ouverture de négociations sincères avec le Mouvement des forces démocratiques de Casamance dés votre installation à la magistrature suprême » ont-elles précisé dans le document
Elles
rappellent dans ce mémorandum les
souffrances endurées par les populations de la région méridionale pendant plus
de trois décennies de conflit armé entre l’Etat du Sénégal et le Mouvement des
forces démocratiques de Casamance (MFDC). Les femmes de la Casamance souhaitent
par cette démarche obtenir l’engagement des différents candidats à régler la
crise de manière pacifique. Elles ont tenu à exprimer leur lassitude devant ce
conflit vieux de trente ans, en appelant et en exigeant « la sincérité » de toutes les parties prenantes aux
négociations..
Cette préoccupation est partagée par toutes les
composantes de la société.
Sidiya Djiba vétérinaire à la retraite et vacataire au
Lycée technique agricole de Bignona est d’avis que « rien ne peut se faire dans cette région sans le retour d’une
paix définitive en Casamance ».
Il exhorte le futur président de la République à « s’investir pour la paix et
l’instauration d’un environnement économique propice à l’éclosion des
affaires ». Selon lui, en raison de ses potentialités énormes, il est possible de
relancer à court terme l’économie locale et de faire de la région naturelle de
la Casamance, « la tête de
peloton » en matière de développement.
Mamadou Lamine Bâ, enseignant et correspondant d’un
organe de presse partage le même avis. Il souhaite que la paix soit accompagnée
d’actions concrètes de développement. M. Bâ a aussi plaidé pour la construction
d’infrastructures portuaires et aéroportuaires pour désenclaver la zone Sud.
Bineta Dia est transformatrice de fruits et légumes.
Sa préoccupation fondamentale tourne autour de l’emploi. Elle déplore le
chômage endémique des jeunes, le manque de financement des PME-PMI et la
difficulté de commercialisation des produits transformés.
La
Casamance doit être la priorité principale du futur président
Pour
Alassane Ndoye, 34 ans, entrepreneur technicien en électricité industrielle, le
futur président du Sénégal doit non seulement porter une grande
attention à la Casamance mais aussi
faire de la région sa priorité principale.
Propos recueillis par
Natalie Forite
Journaliste, France
Je
pense que les priorités du futur président devraient être :
La construction d’un port international : La "Casamance
naturelle" qui s’étend de Diogue à
Guouloumbou a une position géographique exceptionnelle et unique au monde. Non seulement elle se situe presque sur l'équateur -ce qui explique une saison des pluies très
abondante- mais elle possède trois pays frontaliers.
Le futur président devrait penser à construire
un port international ce qui boostera à
coup sûr l'économie régionale et nationale. Cela faciliterait un commerce d’abord triangulaire avec la Gambie, la
Guinée-Bissau et la Guinée-Conakry mais aussi avec la sous-région.
La mise en œuvre rapide d’un hôpital performant : Les hôpitaux du Sénégal sont très sollicités par les pays voisins parce qu’ils possèdent un corps médical très expérimenté. L'hôpital de la paix à Ziguinchor a vocation à devenir un hôpital général. Je pense qu’il doit être exploitable le plus rapidement possible. Cela permettrait de réduire les déplacements longue distance des patients de la région et de la sous-région qui sont dans des cas très critiques vers les structures qui se trouvent à Dakar. Il faudrait aussi envisager de le doter d'un hélicoptère médicalisé ce qui supprimerait le problème d’acheminement rapide des malades.
L’investissement dans le développement des industries de transformation : La région dispose d’une très grande quantité de fruits tels que les mangues, les oranges, le madd, le ditakh, etc. Faute de moyens de transformation, une grande partie de ces fruits pourrissent chaque année. L'implantation d'usines de transformation fruitières doit aussi être une priorité
Je pense aussi que la Casamance
pourrait faire la promotion de sa production locale de riz. Je crois qu’après
le Nigéria -un pays nettement plus grand- le Sénégal est le deuxième plus grand
importateur de riz de l'Afrique. Selon les statistiques, la consommation de riz
au Sénégal a augmenté de près de 1000 pour cent en quatre décennies et se situe
actuellement a plus d'un million de tonnes.
Quant à la crise casamançaise : Il faut ouvrir des négociations pour la résoudre, un dialogue qui devra être suivi pour qu’il aboutisse à une paix durable.
En
Casamance, le tourisme bat de l'aile
La
destination étouffe de son enclavement terrestre et aérien. La crise qui sévit
depuis plus de trois décennies complique davantage la situation. Augustin
Diatta, le Directeur de l'agence de voyage Diatta fait le point sur la
question.
Entretien réalisé par
Younousse DIEDHIOU
Journaliste, Ziguinchor
Younousse Diédhiou
(YD) : Quelle est la situation structurelle et conjoncturelle de la
destination Casamance ?
Augustin Diatta (AD) : La situation de la destination Casamance reste toujours préoccupante. Cette année, on s'attendait à un léger mieux. Et au début de la saison, les choses bougeaient dans le bon sens. Malheureusement, depuis l'effervescence politique liée à la recevabilité ou non de la candidature du Président Wade, on a connu des annulations ainsi qu'un ralentissement de l'activité touristique. Aujourd'hui nous sommes dans une situation compliquée.
YD : .Quel est l'impact de cette situation sur l'activité touristique?
AD : Les hôtels sont presque vides et les activités annexes comme l'excursion sont
sont arrêtées. Là, on est pessimiste puisque les réservations continuent d'être annulées. Les touristes en partance pour la Casamance transitent par Dakar et s'il y a des problèmes à Dakar cela devient compliqué.
YD : Comment parveniez vous à gérer les charges financières des structures hôtelières ?
AD : On ne peut pas abandonner nos réceptifs. Nous sommes obligés de faire avec le peu de clients qui arrivent. Et pour juguler nos charges, nous sommes obligés de mener des activités parallèles.
YD : Qu'attendez-vous du futur Président de la République?
AD : Des propositions concrètes pour relancer la destination touristique en Casamance et au delà au Sénégal. Nous pensons que le budget de promotion du tourisme est insuffisant. Et nous nous attendons à une augmentation conséquente de ce budget ainsi qu'un plus grand intérêt au secteur touristique. A mon avis, le tourisme est secteur porteur qui booste l'économie. C'est donc dommage que depuis le début de la campagne électorale, les candidats le relèguent aux oubliettes !
Badson :
« Le secteur de la musique a besoin de structure
régionale ! »
Tommy Lorenzo
Badiane dit « Badson » est un jeune artiste rappeur qui allie musique
et enseignement. Il
analyse ici les difficultés rencontrées par le secteur de la musique dans la
région de Ziguinchor, qui ont pour nom absence de vulgarisation et de
production des œuvres.
Entretien réalisé par
Elisabeth DIATTA
Journaliste, Ziguinchor
Pourquoi
avez-vous choisi de faire de la musique dans votre langue locale ?
Je chante en langue locale parce que je veux
d’abord être compris par les miens. Je suis diola et c’est une opportunité de toucher directement ma cible, de valoriser
ma culture. C’est aussi une façon de montrer que les artistes ne doivent pas
véhiculer leurs messages seulement à travers les langues d’emprunt.
Quelles
sont les difficultés que vous rencontrez dans ce milieu au niveau local
voire national?
A Ziguinchor l’environnement de la musique
n’a pas encore été assaini, il n’y pas de cadre formel pour que les artistes
puissent fabriquer leur musique de façon professionnel. Même s’ils se
glorifient de leur professionnalisme, on se rend compte de l’absence de
structures adaptées au niveau régional pour les conseiller sur le plan
juridique et artistique.
Les œuvres ne sont pas vulgarisées, c’est
d’ailleurs l’une des principales sources de démotivation des artistes au niveau
de la région de Ziguinchor.
Nous déplorons l’absence de producteurs. Pour
combler ce vide, les rappeurs se produisent eux-mêmes ou passent par des
politiciens. Or, le risque du « compagnonnage » avec les politiciens,
c’est qu’ils sont obligés de changer leurs messages pour faire plaisir à leurs
mécènes. Cette situation conduit à dénaturer le style des rappeurs. Les groupes
qui ne disposent pas de moyens financiers sont finalement retombés dans
l’anonymat à cause d’un manque de soutien.
Toutefois, nous gardons espoir, parce que
jusqu’ici l’inspiration ne manque pas. On doit juste s’investir davantage pour
formaliser le secteur de la musique d’artiste.
Quels sont vos projets ?
J’étais à Dakar pour des besoins d’un
enregistrement d’un des tubes qui fera
ensuite l’objet d’un clip. On essaye aussi de nouer des partenariats avec des
établissements et certaines associations. Pour le moment je prépare la sortie de mon premier album sur le marché. J’ai eu à
faire des compilations dans des albums d’autres artistes. Mon
groupe est aussi entrain de nouer des partenariats avec des établissements scolaires
et certaines associations pour l’organisation de concerts au niveau de la
région de Ziguinchor.
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